En passant par Tchernobyl...

 

Encore une nouvelle étape dans la bande dessinée-reportage!

 

On l'aura compris, le principe de ce "nouveau" genre est de dessiner et scénariser des éléments et des situations réelles. Certains auteurs témoignent de ce qu'ils ont vu, de ce qu'ils ont vécu ("Le Photographe" par exemple), mais beaucoup partent à la recherche de l'information, à la poursuite de l'"histoire". Ces hommes et ces femmes rassemblent des témoignages, se documentent, et le plus souvent partent sur le terrain. Le dessinateur le plus journaliste et le plus réputé d'entre eux au niveau international est sûrement Joe Sacco (nous en parlerons dans un autre post, il vient -avec Chris Hedges, journaliste américain- de sortir "Jours de destruction Jours de révolte", un ouvrage sur la misère aux Etats-Unis).

 

 

Une nouvelle étape donc, avec le grand format "Un printemps à Tchernobyl".

 

             


Emmanuel Lepage nous raconte son aventure en terre ukrainienne en un peu plus de 160 pages.

 

                 "Tchernobyl n'est pas réservé qu'aux scientifiques, aux techniciens du nucléaire, aux journalistes, aux humanitaires… nous aussi nous y avalons notre place. Nous croyons que l'artiste est à même de capter l'étrangeté de vivre là-bas et d'en témoigner".

 

Pascal, ingénieur du son, photographe et poète, co-fondateur de la résidence d'artistes à Tchernobyl.

 

 

 

 

C'est en Bretagne en 2007 qu'un collectif d'artistes se forme. Ils veulent aller à Tchernobyl pour témoigner de la vie et de la mort, des dégâts de l'explosion qui a eu lieu en 1986, de ce dont on ne parle plus… Emmanuel Lepage prend sa décision : il y va.

 

          "Dans ce métier, seul à gratter sur ma planche, j'ai souvent l'impression de voir le monde à travers une vitre. D'être "à côté". Cette fois-ci, le monde, je le sentirai dans ma peau!".

 

E. Lepage, auteur dessinateur

 

      

 

 

                                             

 

Le dessinateur s'en va donc, avec d'autres artistes, pour Tchernobyl. Destination risquée (le taux de radiation y est encore extrêmement élevé dans beaucoup de zones!), mais l'expérience est unique, pour un récit qui l'est tout autant.

 

E. Lepage se livre: les tests médicaux, son voyage à travers l'Europe, son arrivée près et en "zone interdite" (à laquelle il y accède légalement… comme illégalement), ses rencontres, ses peurs, ses découvertes…. Il replace l'événement dans l'histoire, la gestion médiatique de la catastrophe -notamment en France, les mesures de sécurité prises -ou non- dans les pays concernés.

 

 

 

          

 

 

  

 

La lecture avance, le dessin change. C'est aussi pour cela que cet ouvrage est unique: chacune des cases semble être une aquarelle qui mérite que l'on s'y attarde. D'abord en brun, il utilise petit à petit des couleurs. Crayons, feutres, pastels, fusain : le dessinateur change d'outil: sa vision de Tchernobyl évolue. Il nous emporte totalement dans sa vision. La mort rôde, les villes et villages des alentours ont été déserté, la totalité du matériel utilisé pour "gérer" la crise est restée sur place, créant de véritables cimetières de fer. Le petit groupe d'artistes rencontrent aussi des "liquidateurs", ces nettoyeurs de la centrale parmi les premières victimes de l'accident nucléaire. 
 

          " Avec les radiations on sait jamais. Mais j'ai l'impression de vivre sur une grenade dégoupillée".

 

Vassia, liquidateur.

 

 

 

Mais contrairement à ce qu'il avait imaginé, il découvre peu à peu que la nature a récupéré l'espace que l'homme a abandonné. Végétale, animale: la vie a repris et elle est belle. Complexe a assumer pour notre auteur, il voudrait se battre contre la tentation de décrire un paradis dans cet enfer caché.

 

          "Je m'interroge sur la vérité des choses. Plongé dans un monde dangereux qui se cache, qui triche, qui ment… je veux trouver des signes tangibles qui disent la tragédie… que je puisse montrer, une preuve. […] Rien, rien, rien. Les morts de la "guerre de Tchernobyl" -comme on dit ici- sont invisibles". 

 

E. Lepage

 

 


Emmanuel Lepage nous offre une bande dessinée aboutie, mélangeant avec succès dessin, peinture et narration. Très élaborée mais facile à lire, "Un printemps à Tchernobyl" nous interroge sur de multiples questions et nous donne envie, nous aussi, d'aller toujours, chercher à raconter la vérité (bon, si je peux éviter d'aller à Tchernobyl… ! ).

 

 

 


 

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"Un printemps à Tchernobyl", d'Emmanuel Lepage, éditions Futuropolis, 24,50€.

 

 

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2 Comments
J'aime vraiment ce blog c’est avec un grand plaisir à lire quelque chose de nouveau et intéressant. consultation voyance
Un tout grand merci pour votre site. C’est un plaisir pour toutes & tous. Bonne continuation

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